Chères Pradieuses, chers Pradieux,
En ce début de fin d’été voici quelques nouvelles à moitié fraiches de la Bikade puisqu’elles datent déjà d’il y a 3 semaines. Petit flash-back donc : nous sommes le 31 juillet et il y a 8 jours il faisait près de 43°C rue Pradier comme à la Bikade. Ca vous rappelle quelque chose?…
Les premiers échanges avec Benoît ont donc portés cette fois-ci sur la (non) pluie et le (trop) beau temps. Evidemment cette période a été très délicate pour Benoît et avec plus d’un mois sans une goutte de pluie et des températures extrêmes il a fallu s’adapter. En ce qui concerne l’eau, Benoît avoue que ça a été vraiment juste mais pour autant pas dramatique pour lui grâce à son bassin de 4m de fond qui lui permet de stocker 1000m3 d’eau. Le niveau du bassin est descendu très bas mais il a malgré tout pu pu arroser les cultures sans interruption et les 30mm d’eau qui sont tombés au cours du dernier week-end de juillet ont fait beaucoup de bien et ont permis de re-remplir le bassin afin de repartir pour un tour.
C’est surtout au démarrage des plantations, en mai, juin et jusqu’à début juillet que le manque d’eau est le plus critique et à cette période Benoît a pu compter sur ses réserves. Quand les plantes maraîchères se sont enracinés et ont commencé à se développer, elle supportent un peu mieux le stress hydrique ainsi que les températures élevées si ça ne dure pas trop longtemps. Mais évidemment ces conditions ne font vraiment de bien à personne et les fleurs de courge ont par exemple pas mal souffert de la chaleur.
La gestion de l’exploitation relève donc d’un exercice d’équilibriste pour pouvoir fournir chaque semaine 200 beaux paniers de légumes (3x 48 paniers à Paris et le reste du côté de Moret-sur-Loing) en prenant en compte les aléas de la culture naturelle.
Cette année ça a été une petite hécatombe sur les courges à cause de la canicule, l’année dernière ça a par exemple été un gel tardif en avril qui avait décimé les tomates. Il faut donc planter plus mais sans planter trop car en bio chaque plante nécessite plusieurs opérations qui se font presque toutes à la main (semis, plantage, désherbage, désherbage, désherbage, désherbage, récolte).
Les excédents sont vendus à une coopérative mais si ça occasionne un petit revenu pour Benoît, cela représente également une gestion propre et encore du temps qui n’est pas passé sur les cultures.
Contrairement aux courges, les travailleurs ont au moins pu aménager leurs horaires pendant les périodes les plus chaudes pour qu’un 5h-12h remplace le 6h-13h habituel de l’été. Malgré cela, c’était invivable dans les champs comme dans les serres dès 9-10h du matin, confie Benoît. Dans une serre dont l’ouverture automatique ne fonctionnait plus il a par exemple mesuré une température de 69°C ! Et au delà de 50°C sous serre cela devient, de façon peu surprenante, difficile de motiver les troupes…
Mais même si l’anticipation et l’organisation de Benoît lui ont permis de ne pas trop souffrir des épisodes caniculaires de l’été il est pour autant évident pour lui qu’avec la multiplication des ces épisodes de sécheresse des questions se posent et qu’il lui faudra bientôt sérieusement penser à d’autres ressources en eau et/ou à d’autres façons de travailler.
Mais au coeur de l’été, ce n’est vraiment pas le moment pour penser à autre chose qu’à planter et récolter. Juin et juillet sont en effet les mois les plus chargés à la Bikade et à cette période, Benoît et ses quatre ouvriers agricoles ne savent plus où donner de la tête. Les serres et les champs sont remplis de tomates, aubergines, poivrons, courgettes, salades, fenouils etc… qu’il faut quotidiennement récolter mais, pour assurer une rotation correcte, il faut également continuer à planter (aujourd’hui salades, choux chinois, choux d’hiver, courgettes et basilic), à désherber ou à pulvériser les légumes avec des bactéries japonaises tueuses de vermine mais amies des coccinelles.
Et comme toujours à cette période il n’y a pas d’autre choix que de passer 100% du temps sur les cultures et c’est l’entretien du matériel qui est laissé de côté. Résultat : des petits soucis divers et variés qui viennent quotidiennement pimenter la vie de la Bikade. Parmi ceux du jour, c’est la planteuse du tracteur (un système de godets tournants dans lesquels on dispose les mottes à planter) qui se bloque de plus en plus souvent et met les nerfs de Julien à rude épreuve.
Mais il y a une foule d’autres pannes et Benoît de résumer avec philosophie et un sourire en coin : « si on a pas une emmerde par jour, c’est louche! » Pour être maraîcher il faut donc bien sûr connaître la terre, les plantes et le cycle du vivant mais il faut tout autant être mécanicien, entrepreneur, administrateur ou gestionnaire ainsi qu’une foule d’autres métiers qui allient huile de coude, audace, ingéniosité et souvent mal au dos en fin de journée et mal à la tête en fin de mois.
Pour donner un exemple assez parlant de ce grand écart permanent le tracteur de Benoît est aujourd’hui un joujou à guidage GPS à 100 000€ (ça fait quelques paniers…) Sur cette machine on peut « enregistrer » les caractéristiques des champs (tracé et longueur) afin de pouvoir faire rouler le tracteur tout seul pendant qu’on est assis à l’arrière à planter. Et si la cabine ressemble à celle d’un avion de ligne, lorsque la planteuse se bloque, il faut néanmoins sortir masse et marteau, se glisser sous l’appareil et à grand renfort de pings sonores tenter de redresser la lame en acier capricieuse comme on aurait pu le faire il y a un siècle.
Une fois n’est pas coutume ce message est accompagné de quelques images. Au moment où vous lirez ces lignes, vers la fin du mois d’août, le rythme se sera enfin calmé pour laisser un peu de répit à Benoît et à ses ouvriers et avec un peu de chance, les bébé-pastèques que nous avons vu en plein champ arriveront vite dans nos paniers!!.. Rendez-vous cet automne pour de nouvelles news.
Pradieusement votre, Vincent