Bonjour à tous,
Après un assez long moment de silence et un été particulièrement sec et chaud, il était temps de reprendre contact avec Benoît pour qu’il nous donne des nouvelles de la Bikade. Il faut bien avouer qu’elles sont en demi-teinte.
En premier lieu Benoît parle bien évidemment de la sécheresse remarquable à laquelle il a été et est encore confronté comme la plupart des agriculteurs. Ni lui ni même les plus anciens n’avaient jamais fait face à telle situation. La météo prévoit encore 10jours sans pluie et cela fera donc 5 mois sans une vraie pluie! La dernière date de fin mai et il avait alors plu comme jamais. Ajouté à ça un hiver avec des épisodes très froids vraiment tardifs et un printemps extrêmement humide et c’est une année complètement détraquée avec de sérieuses conséquences sur les cultures qu’à connu Benoît. Plusieurs fois au cours de l’été la météo prévoyait de la pluie à l’horizon de 4 ou 5 jours, Benoît et ses voisins se réjouissaient et étaient prêts à faire la fête mais chaque fois la pluie a disparu des radars avant de tomber.
Aujourd’hui, début octobre, Benoît arrose encore presque tous les jours alors qu’habituellement, dès fin août ou début septembre, quand la fraicheur commence à s’installer la nuit, on a plus besoin d’arroser. L’humidité, la rosée et la fraicheur du sol suffisent alors à maintenir la plante en vie. Benoît en est même réduit à arroser son engrais vert pour éviter qu’il se transforme en foin et c’est autant d’eau en moins pour les légumes. Tout cela se traduit par un important surcroît de travail, des décisions difficiles à prendre lorsqu’il faut sacrifier une culture au profit d’une autre pour utiliser au mieux l’eau disponible et des résultats plutôt moyens sur les cultures.
Il n’y a presque pas eu de salades de l’été et comme nous avons tous pu le constater dans nos paniers elles sont très petites. Le rendement est moyen sur les patates et les courges, celui des choux carrément mauvais, et il a même fallut arroser les endives qui n’en ont généralement pas besoin. Ces dernières sont des plantes bisannuelles (qui ne fleurissent que la deuxième année) et là elles ont fleuri dès la première année! Du jamais vu…
Outre le travail supplémentaire, la gestion de l’arrosage n’est pas aisée. Benoît installe des lignes d’arrosage dans ses champs avec des sprinklers répartis tout au long. Mais comme la sécheresse a été souvent accompagnée par du vent, l’arrosage est très irrégulier. Parfois l’eau part complètement sur le côté et si on survolait la ferme en montgolfière nous dit-il on verrait juste quelques ronds verts et tout le reste jaune et desséché. Dans ces conditions le travail est difficile, même les outils rentrent péniblement dans la terre très dure et il n’est pas rare qu’ils se cassent.
Mais comme Benoît est du genre à plutôt voir le verre à moitié plein, il souligne tout de même les bons côtés de cette situation inédite : les tomates, courgettes et aubergines continuent à donner tard dans la saison, les cultures sont saines, sans parasites, justement parce qu’il fait sec et on pourra fêter Halloween avec des melons puisque le 4 octobre ils en ont récolté quelques bien sucrés (pas sûr que cela soit une si bonne nouvelle…) On attendra donc que les tomates et autres légumes d’été périssables soient écoulés avant de trouver dans nos paniers les courges ou les choux qui peuvent se stocker.
Actuellement la ferme tourne en effectif réduit (3 personnes) contre 6 durant l’été et toutes les bonnes volontés seront les bienvenues. « On a toujours besoin d’un coup de main » lance t-il !
L’autre grande nouvelle de la rentrée c’est que Benoît vient d’acquérir 35ha de terres céréalières qui sont en conversion bio autour de sa ferme. La conversion correspond à la période nécessaire pour enclencher les changements de cycles de vie des animaux, des plantes et des organismes qui vivent dans et sur le sol. Cette période de durée variable sert aussi à épurer les sols des éventuels résidus chimiques. Il possède désormais toutes les terres autour de sa ferme, ce qui représente au total 50ha, et cela signifie également la fin des produits phytosanitaires tout autour de chez lui : un îlot 100% BIO!
Pour Benoît c’est un projet très enthousiasmant car cela représente un vrai changement d’échelle. Il va lui falloir recruter des gens, investir dans du matériel et inventer de nouvelles méthodes de travail. L’objectif n’est ni de devenir céréalier ni d’agrandir sa surface de culture légumière mais de pratiquer la rotation de culture avec un ennemi en ligne de mire : la mauvaise herbe.
Sur une exploitation bio comme celle de Benoît le désherbage représente environ la moitié du temps de travail (ceux qui ont déjà désherbé des rangs de tout jeunes poireaux comprennent facilement la différence de prix avec un poireau au Round Up…). Le travail est fastidieux et doit sans cesse être recommencé. Certaines mauvaises herbes laissent par pied de 50 à 100 000 graines sur le sol. On a beau se battre et arracher sans cesse, elles reviendront encore et toujours faire concurrence aux légumes cultivés. Le principe du maréchage tournant est de faire pousser sur certaines terre des céréales pendant plusieurs années (colza, blé tendre, blé dur) . Ces plantes ne sont que très peu concurrencées par les mauvaises herbes. Après deux ou trois années, le stock de mauvaises graines dans le sol a radicalement diminué et on plante alors des légumes à la place des céréales. On obtient ainsi des champs beaucoup plus propres et des paysans moins épuisés.
Quant aux céréales, elles seront soit transformées par Benoît (en farine et pâtes), soit vendues à des voisins éleveurs comme fourrage ou à la coopérative. Ce projet n’est pas rentable économiquement concède t-il mais le gain se situe en termes de confort de travail et il est considérable. Malgré l’envergure de ce projet les inquiétudes de Benoît ne sont aujourd’hui pas d’ordre économique, c’est plutôt « après une année comme ça, qu’est-ce que ce sera la prochaine?… »
Flash-mob danse de la pluie tous les samedis pendant la distribution!!
Pradieusement vôtre,
Vincent Schmitt