Bonjour à tous,
ça y est c’est le printemps ! Euh, non en fait c’est encore l’hiver. Dans ce domaine mieux vaut écouter un agriculteur qui vit les saisons plutôt que TF1 ou France Inter…
Toujours l’hiver donc mais qui touche tout de même à sa fin à la Bikade.
Le dernier message n’était pas très rassurant puisque, vous vous en souvenez, Benoît et ses collègues ont dû faire face à 5 mois sans pluie jusqu’à la fin de l’automne pendant qu’en ville on profitait bien des terrasses. Sûr que les rats de villes et les rats des champs n’ont pas eu la même perception de ce spectaculaire été indien. Mais comme nous avons tous pu le constater il a plutôt bien plu au courant de l’hiver et les champs sont devenus boueux à souhait. Les 15 jours splendides que nous avons eu fin février ont donc mis tout le monde d’accord et ont été fort appréciés à la Bikade également. Ca a permis de redonner le moral et de se relancer pour préparer le printemps.
Comme chaque année le printemps est toujours le moment le plus compliqué pour le maraîcher : quand commencer telle culture ? N’est-ce pas trop tôt ? Et si un coup de gel s’en mèle? (par exemple les tomates l’année passée) Attendre trop c’est risquer d’être débordé rapidement, etc…
Les semaines passées ont donc été consacrées à planter les graines sous serre ou dehors (épinards, carottes*) et à semer les céréales (blé tendre, blé dur entre autres) sur les nouvelles terres en conversion. Aujourd’hui presque 30 ha sur les 35 de nouvelles terres sont ensemencés.
Il faut aussi retourner un peu la terre et détruire les engrais verts qui ont été mis sur les champs pour nourrir les sols à la fin de l’été. L’idée est d’être prêt pour mi-mars et le début d’un nouveau cycle.
Cela fait 2 ans que les terres acquises l’été dernier sont en conversion bio et cette année Benoît y plantera des oignons car pour des raisons sanitaires (champignons, maladies) la rotation pour les aliacées (oignons, ail, poireaux) est de 7 ans. En clair il faut attendre 7 ans avant de replanter des aliacées dans la même terre si on veut éviter les soucis (et le round up!). Quand on en produit beaucoup comme Benoît on peut donc vite être à l’étroit. Pour le reste des légumes il attendra la fin de la conversion vers le bio, soit 5 ans.
Au rayon des nouveautés, Benoît se lance ces jours-ci dans la pleurote, ce champignon d’élevage qui se cultive à l’intérieur, “en chambre”. Il lance aussi des patates douces mais pas en plants comme ça se pratique habituellement, plutôt à l’ancienne. C’est à dire qu’il coupe des patates douces en morceaux et les met dans du terreau, au chaud, jusqu’à ce que des radicelles puis des germes apparaissent avant d’enfin repiquer. Non au monopole des vendeurs de plants qui pratiquent des prix prohibitifs à la faveur de leur monopole !
Côté panier, on va finir l’hiver avec les légumes de garde que l’on connait (courges, carottes, patates, etc…) mais les premières petites salades arrivent ainsi que les épinards et bientôt nous trouverons les petits navets de printemps et les délicieux choux raves !
En revanche comme chaque année le démarrage du printemps est le moment de la soudure entre la fin des légumes d’hiver et l’arrivée des nouveaux. Pour l’instant il n’y a pas vraiment de production de nourriture à la ferme, on sera à plein régime seulement au courant du mois de mai. De mi mars jusqu’à début mai c’est donc le moment des paniers un peu plus maigres mais gageons que Benoît nous ressortira quelques uns de ses fameux Jokers pour les compléter!
Pour répondre à la question d’une pradieuse : “pourquoi Benoît ne fait-il pas de petits-pois ni pas trop de brocolis ou choux fleurs ?”
Concernant les petits-pois, c’est tellement succulent que les pigeons et les corbeaux en extérieur, et les souris et limaces sous serres les aiment avant nous. C’est la première raison. Après, Benoît ne bataille pas trop (même s’il en plante tout de même chaque année) car la cueillette est particulièrement laborieuse. Le rendement est de 3kg à l’heure et sachant qu’une heure de cueillette est payée 20€, cela reviendrait à 7€/kg de petit-pois soit le tiers du coût du panier! C’est donc à la fois trop chronophage et trop complexe. D’où peut-être le fait qu’on trouve plus facilement du petit-pois kenyan que français sur les marchés…
Quant aux brocolis et choux-fleurs, ils ne poussent pas très bien sur les terres de Benoît. Le chou est un légume assez compliqué me dit-il et il est très gourmand, c’est à dire qu’il demande une terre très riche. Chez Benoît le sol est plutôt “léger”. Ces légumes sont aussi sujets à de nombreuses attaques fongiques dont il n’arrive pas à se débarrasser. Il sait donc que planter des choux c’est un peu aller au casse-pipe pour lui mais il continue malgré tout, autant par bravade que pour assurer la diversité dans nos paniers.
Pour terminer une info intéressante, Benoît m’a appris que depuis peu son tracteur est “piloté” par satellite! Les trajets sont programmés et s’il a encore besoin d’être physiquement présent sur l’engin, c’est grâce à la high tech qu’il peut éviter de repasser x fois au même endroit au risque de tasser les sols ou qu’il peut gérer les semis de façon très précise (semis ultra rectilignes et avec un espacement contrôlé au mm près). Cela lui permet par la suite de gérer le désherbage (la grosse tannée de l’agriculteur bio) un peu plus mécaniquement. Quand on sait qu’il y a environ 1000 graines de mauvaises herbes au m2, on comprend qu’il est préférable d’avoir un tracé précis pour le semis afin de pouvoir désherber mécaniquement plutôt qu’un tracé en S fait à la main. Passer une machine à 2cm des plants ou à 10cm en cas de semis plus aléatoire fait une grande différence!
C’est tout pour ce message (presque) printanier,
à bientôt
Pradieusement,
Vincent.
* pour info contrairement à la plupart des autres légumes qu’on sème en petits pots et qu’on replante dans le champ ensuite, les carottes sont semées en pleine terre (1 graine a à peu près la taille d’un grain de poussière…) car dès le tout début de leur croissance elles envoient leurs racines très profond et on ne peut pas les repiquer comme on le fait avec les poireaux par exemple sinon on les casse. Evidemment semer des grains de poussière en pleine terre ça complique les choses comme vous l’imaginez. Pour les poireaux on sème les graines en pleine terre également mais lorsqu’ils ont la taille d’un crayon on les repique. Ainsi on sème 100 000 graines sur une planche (une longueur de champ) et quand on les repique on les étale sur 10 planches !